Du 13 mai au 7 juin dernier, la librairie Violette and Co exposait les planches originales de La chatte bottée de Charlotte Perrault, signées Tom de Pékin. À cette occasion, deux représentations ont été données du théâtre de papier conçu par la compagnie La petite histoire d’après cette œuvre qui a d’abord paru sous forme de petit livre dans le fanzine queer Dildo.
La petite histoire de ce conte singulier mérite d’être retracée.
À l’origine – si l’on peut dire – il y a le texte de Charles Perrault féminisé par Pascal Lièvre. Cette féminisation intégrale d’un texte, qui revient de fait à la suppression du masculin, dont on se rappelle qu’elle était la revendication du Scum Manifesto de Valérie Solanas, cette féminisation fait proliférer le sous-texte lesbien dans le conte.
Tom de Pékin, à qui Pascal Lièvre demande de mettre le texte en image, s’appuie sur ce sous-texte pour inventer un conte lesbien SM teinté de lutte armée. La rencontre entre les images appropriées et détournées par l’artiste évoque un large imaginaire lesbien ou relatif au lesbianisme : des « guerillères » de Wittig aux lesbiennes nazies de Rossellini.
Le théâtre de papier évoque quant à lui autant le castelet qui fait défiler des figures découpées au XVIIIe siècle que les petits théâtres pornographiques des maisons closes, autant d’espaces réduits où se montrent des images interdites.
Le texte est dit par Jò Bernardo qui excelle dans tous les rôles : la Reine, la chatte comme l’ogresse.
Il n’est pas nécessaire d’aller plus avant pour faire entrevoir les vertus humoristiques, pornographiques et terroristes de cette petite opération linguistique, une opération bénigne dans la langue française où la règle veut que « le masculin l’emporte ». Il aura suffit de prendre le contrepied des habitudes.
Si la bite ne fait pas l’homme, la chatte ne fait pas non plus la gouine. Il est intéressant de noter que cette entreprise a été initiée par des artistes hommes et qu’il n’en résulte pas moins une œuvre lesbienne et féministe, dont une partie a même été exposée dans Revolt She said II à la Criée en 2006, une exposition qui se proposait de dresser un état des lieux des pratiques artistiques féministes et lesbiennes depuis les années soixante-dix. Cela tient sans doute aux démarches consitutives de la Chatte bottée, à savoir appropriation, détournement, déplacement et inversion des systèmes de signes. L’utilisation de ces diverses opérations revient en effet à laisser faire et défaire : la langue, les genres, l’inconscient, les représentations.
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